« Des cours en anglais dans l'enseignement supérieur ?
La meilleure façon de créer des francophiles ! »
Par Susan Loubet, Directrice de l'International et des Langues à l'école d'ingénieurs ESIEA
L'article 2 du projet de loi sur l'enseignement supérieur a finalement été adopté par l'Assemblée Nationale après quelques discussions houleuses ces derniers jours. L'objet du débat : l'enseignement de certaines matières en langue anglaise dans les universités et grandes écoles françaises.
Vécu comme une aberration pour certains, voire comme un suicide culturel pour d'autres, cette initiative est tout simplement l'évolution logique des formations proposées en France. Nos partenaires européens et internationaux, notamment en Allemagne, ont mis en place des cursus dispensés en anglais depuis très longtemps. Cela n'a en aucun cas altéré l'attrait de leur langue nationale, bien au contraire - il en sera de même pour le français. Offrir une partie de nos enseignements en anglais nous permettra sans conteste d'équilibrer les rapports que les établissements français entretiennent avec leurs partenaires internationaux.
A l'ESIEA, notre école d'ingénieurs, nous envoyons de nombreux étudiants suivre des cursus dans des établissements partenaires à l'international, mais la réciproque se révèle parfois plus compliquée. La France attire toujours les étudiants étrangers, mais ils sont de moins en moins nombreux à maîtriser suffisamment notre langue pour pouvoir suivre tout un cursus en français, et notre offre de cours en langue anglaise est encore limitée. Nous proposons à l'ESIEA un Mastère Spécialisé en sécurité informatique dispensé en anglais, cursus qui propose également des cours intensifs de français pour tous les étudiants qui en ont besoin. Il est pour nous primordial d'offrir à ces étudiants une vraie fenêtre sur la langue et la culture française. Les accueillir est la meilleure façon de créer des francophiles et de contribuer au rayonnement de notre système éducatif à l'étranger. L'enseignement en langue anglaise ne représente pas un frein pour la langue française, bien au contraire, il s'agit plutôt d'un moyen d'offrir une réciprocité jusqu'à présent manquante. D'ailleurs, à l'ESIEA, nous avons prévu de proposer des cours de spécialisation (majeures, mineures) en langue anglaise pour les rendre accessibles à tous.
Cette évolution reste avant tout un avantage pour les étudiants français. Ce n'est un secret pour personne : les français ne sont pas les meilleurs élèves en ce qui concerne les langues en général et l'anglais en particulier. Selon leurs choix de carrière, ils seront amenés à travailler dans d'autres environnements culturels et linguistiques : l'anglais s'est imposé de fait comme langue fédératrice. Au-delà du langage, avoir une population culturellement mixte au sein des écoles et universités est extrêmement enrichissant et constitue un avant-goût de la vie professionnelle. Les étudiants que nous formons à l'ESIEA seront amenés à travailler avec des équipes multiculturelles au quotidien. Nous pensons que le respect et la compréhension de la différence font partie intégrante du savoir-être que nous voulons inculquer à nos étudiants.
